Gondishapour

Observer la ville au travers de ses peintures murales dans l’Ispahan safavide (1590-1722)

Avec Sussan Babaie

Voir Ispahan au cours du XVIIe siècle signifiait déam- buler entre des bazars caverneux et des galeries marchandes, flâner sur la grande place Naqsh-e Jahân (« portrait du monde »), se promener le long du Chahâr Bâgh et sur les ponts surplombant le fleuve Zayandeh-Roud.

Une multitude de peintures murales ornait les palais et bâtiments publics de la ville. Les riches Is- pahanais pouvaient ainsi observer au cours de leurs promenades nombre de fresques représentant des batailles et parties de chasses, scènes de banquet et fêtes de cour, ou encore tomber nez-à-nez avec les portraits grandeur nature d’élégants et d’élé- gantes en costumes européens.

Voir et être vu dans les cafés, tavernes ou lors de balades urbaines : voilà ce qu’était flâner à Ispahan. Ces activités de plein-air étaient capturées par la peinture ou le dessin sur feuilles volantes, puis ven- dues, offertes ou échangées contre de la poésie ou des faveurs, avant d’être précieusement con- servées dans des albums de collection. Les artistes d’Ispahan signaient leurs oeuvres et construisaient leur réputation sur leur toucher spectaculaire et leur flair pour des thèmes novateurs.

Sussan Babaie s’intéressera lors de cette première conférence à la manière dont les Ispahanais déam- bulaient et observaient leur ville au travers de ses peintures murales.

Sadiqi Beg, artiste et documentaliste à la cour d’Abbas Ier est également auteur de divers traités artistiques en vers. Selon lui, la signification dans la peinture passe par la représentation du visage. Il consacre donc le premier chapitre de son traité de peinture à l’art du portrait, qui possède en persan une multitude de noms (sourat, temsal, chehreh, shekl, manzar et shamayel) dont les significations vacillent entre « image », « ressemblance », « simulacre », « représentation» et « parodie ».

A partir de la fin du XVIe siècle et tout au long du XVIIe siècle, la peinture se détache peu à peu des thèmes poétiques « classiques » pour se tourner vers la représentation de scènes du quotidien de la cour: pique-niques, ébats amoureux, jeunes danseuses; mais également des portraits des habitants d’Ispahan : derviches, pèlerins, hommes d’armes, de savoir et de foi.

Que nous révèlent donc les peintures murales d’Ispahan des développements du portrait dans l’art persan au début de l’époque moderne ?